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Les pensées autocritiques dans la dermatillomanie

de Carla De Sousa, Psychologue

L’impact de la dermatillomanie sur la vie de la personne peut être considérable. Les personnes ont souvent honte et peuvent ainsi éviter certaines situations ou activités sociales (aller au travail, se rendre à une soirée, accepter des invitations, aller à la piscine, etc).
Après une crise, les personnes souffrant de dermatillomanie se sentent coupable et souvent honteuse de leurs comportements. La personne a tendance à porter un regard défavorable sur elle et à se focaliser sur ses défauts et limites.

Quelques exemples de pensées autocritiques que l’on peut retrouver chez les personnes souffrant de dermatillomanie :
– « je suis faible »
– « je n’ai pas de volonté »
« je n’y arriverais jamais »
 «t’es vraiment nulle »
– « Regarde ce que tu as fais, tu n’as vraiment aucune volonté »

Ces pensées sont appelées « pensées autocritiques », elles nuisent à l’estime de soi et ne font que renforcer le mal-être déjà existant. Ces pensées condamnent la personne, elle se retrouve prise au piège dans une spirale de violence verbales contre elle-même. Après une crise de dermatillomanie, la personne regarde l’état de sa peau et se blâme en se disant « maintenant regarde ce que tu as fait. Tu n’as vraiment aucune volonté. Comment tu peux être aussi faible ? Tu fais toujours la même chose, tu es vraiment incapable, tu ne t’en sortiras jamais ». Les crises renforcent le sentiment que les croyances négatives sur soi sont bel et bien confirmées. La confirmation de ces schémas de pensées peut se traduire par un sentiment de tristesse et de désespoir important.

L’autocritique empêche de trouver des solutions constructives et de penser clairement sur soi et sur la vie et de consacrer du temps sur les problèmes à résoudre, et ce qui est important pour soi. L’autocritique met en évidence ce qui a été mal fait, sur les torts et les erreurs commises, et ne permet pas de trouver des solutions pour faire mieux la prochaine fois. Prêter attention à chaque erreurs commises, ne permet pas d’apprendre de ses erreurs et de travaille de manière constructive sur les aspects de soi-même que l’on souhaiterait changer.
Les pensées autocritiques ont un impact important sur comment nous nous sentons et nous fonctionnons dans notre vie quotidienne. Elles contribuent à maintenir la faible estime de soi et affectent l’humeur, découragent, démoralisent, et paralysent tout effort de changement.  Les pensées autocritiques affectent l’image de soi, la façon de se percevoir, mais a également  une incidence sur la façon d’agir (ex : Avez-vous tendance à éviter de demander quelques chose dont vous avez besoin ? Avez-vous tendance à éviter d’exprimer ce que vous ressentez ? Avez-vous tendance à éviter de vous exprimer ? Avez-vous tendance à éviter certaines opportunités ?).  

Comment apprivoiser les pensées autocritiques ?

Dans un premier temps, il s’agit d’apprendre à prendre conscience de ses pensées autocritiques, ce qui n’est pas un exercice facile. Sans s’en rendre compte, ces pensées peuvent devenir une habitude dans la façon de se percevoir. Ces pensées peuvent être tellement présente dans le quotidien, que nous nous rendons plus compte de leur présence.

L’une des premières étapes vers le changement, est la prise de conscience de ces pensées lorsque nous nous jugeons et d’observer les conséquences de ces jugements sur soi, ses émotions et comment on y réagis. Prendre le temps de s’asseoir 5 minutes et se demander qu’est ce qui se passe en soi.  En prenant le temps de noter ses pensées sur une fiche chaque fois qu’elles apparaissent, en vous demandant, qu’est ce qui m’est venu à l’esprit lorsque je me suis senti mal par rapport à moi-même ?
Dans quel contexte, ces pensées sont apparues, Qu’est ce que je faisais quand j’ai commencé à me sentir mal par rapport à moi-même ? Qu’est ce que je ressentais ? Qu’est ce que j’ai fait à la suite de ces pensées autocritiques ?

Cette étape consiste à se rendre compte  de ses pensées, d’être capable de les repérer quand elles apparaissent, de voir ce qui se passe en soi à ce moment là, de voir ce qui se passe lorsque nous ressentons des émotions désagréables et comprendre l’impact de ces pensées dans sa vie et dans la dermatillomanie.

La seconde étape consiste à remettre en question ce discours intérieur.

Nous pensons souvent que ce qui nous arrive est responsable du mal être que nous ressentons. Les situations vécues ont évidemment un rôle important sur notre bien être. Cependant, les études ont montré qu’une grande partie de notre malaise est liée à la façon dont on interprète les évènements. Il est souvent difficile de changer les situations. En revanche, il est plus facile de modifier la façon dont nous vivons les évènements.  Les pensées autocritiques peuvent constituer des opinions en fonction des expériences que nous avons eues et ne sont pas le reflet de ce que nous sommes.

Quelques questions clés pouvant aider à modifier les pensées autocritiques :

– « Ces pensées sont-elles réalistes ? Est ce qu’elles aident à se sentir mieux ? Est- ce qu’elles aident à trouver des solutions ? Est ce qu’elles m’aideront à faire face à la situation la prochaine fois ? »
– « Ces pensées sont-elles bien vraies ? Sur quelles preuves je me base pour dire cela ? Quelle preuve réelle me permet de valider ce que je pense de moi-même ? Quelles sont les preuves qui vont à l’encontre de ce que je pense de moi-même ? »
– « Est ce que je suis trop dur(e) envers moi-même ? Est ce que je me juge trop sévèrement ? Est ce que j’attends de moi d’être parfait ? »

La troisième étape consiste à développer une attitude bienveillante envers soi-même, cela signifie d’arrêter de se juger constamment et de couper cours à ses commentaires intérieurs. Il ne s’agit pas simplement d’arrêter de se condamner, cela consiste aussi d ‘essayer activement de se réconforter, comme on le ferait avec une personne proche (un ami, un membre de la famille, etc), avoir de la compassion non seulement envers les autres mais aussi envers soi-même. Cela veut dire de nous traiter avec la même gentillesse, le même soin et le même souci que nous traitons un bon ami. Avoir de la compassion envers soi, c’est chercher à se soulager, en se regardant, soi et ses problèmes avec bienveillance, au lieu d’ignorer simplement sa douleur, on s’arrête pour se dire « c’est vraiment difficile en ce moment, comment puis-je prendre soins de moi et m’apporter du réconfort ? »
Au lieu de se juger et de se critiquer sans pitié pour diverses insuffisances ou lacunes, l’auto-compassion signifie être gentil et compréhensif face à ses défauts personnels. Être bienveillant envers soi-même, aiderait à se considérer comme un être humain, aimable, précieux, digne d’attention et d’affection. L’auto-compassion permet également une plus grande conscience de soi, car les défauts personnels peuvent être reconnus avec gentillesse et ils n’ont pas besoin d’être cachés.

Chez les personnes souffrant de dermatillomanie, les pensées autocritiques peuvent être présentes après une crise, mais on constate qu’elles sont également présentes dans la vie quotidienne, sans nous en rendre compte. Prêter attention à ce qui passe en soi, permet de réduire le mal-être et les crises de grattage et de triturage de la peau. Ne vous attendez pas à ce que vos croyances négatives disparaissent, surtout si celles-ci sont présentes depuis de nombreuses années. « Imaginez que les pensées autocritiques sont comme une paire de vieilles chaussures, pas très agréables, mais vous êtes habitués à elles et elles sont moulées à votre pied.  Imaginez maintenant que les pensées alternatives sont comme une paire de nouvelles chaussures neuves, inconnues et raides, et non confortables dans un premier temps » (Fennel, 2013). Avec le temps, et de la pratique ces pensées alternatives seront plus présentes, et laisseront moins de places à ces pensées autocritiques.

Bibliographie :

– André C, Lelord F. (2008). L’Estime de soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris, Odile Jacob.

– André C. (2006). Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi. Paris, Odile Jacob

– Cottraux, J (2001). Les thérapies cognitives – Comment agir nos pensées et nos emotions. Paris, Retz.

– Fanget F. (2011). Affirmez-vous! Paris, Odile Jacob 2000, nouvelle edition.  

– Fennell M. (2013). Surmonter la faible estime de soi. Paris, Dunod,

– Neff, C. (2013). S’aimer. Comment se réconcilier avec soi-même, Bekfond

https://www.youtube.com/watch?v=IvtZBUSplr4

Inhibition motrice et flexibilité mentale dans la dermatillomanie

de Blandine Prieur, Psychologue

La dermatillomanie est caractérisée par des difficultés à inhiber les comportements de vérification, de grattage et de triturage (inhibition de la réponse) mais aussi à interrompre un comportement une fois qu’il a été initié (flexibilité mentale).

Les recherches scientifiques ont donc cherché à connaître quelles sont les implications cognitives et neuronales de telles manifestations. Pour cela, ils ont comparé les capacités d’inhibition de la réponse motrice et de flexibilité mentale chez les personnes souffrant de dermatillomanie avec celles de la population générale mais aussi auprès de personnes souffrant d’autres troubles.

L’inhibition de la réponse motrice est testée grâce à un exercice qui consiste à choisir entre deux réponses possibles. Aléatoirement, un signal stop est présenté indiquant au participant qu’il ne doit pas exprimer sa réponse. La flexibilité mentale, quant à elle, est évaluée via un exercice qui consiste à trier des cartes selon une règle à découvrir (couleur, forme, nombre) et qui peut changer à tout moment selon le retour de l’expérimentateur.

Les résultats montrent que les capacités d’inhibition motrice sont altérées dans la dermatillomanie, avec un temps de réponse plus long et une tendance à faire davantage d’erreur, comparé à la population générale. Cependant la flexibilité cognitive est préservée, tout comme dans la trichotillomanie. On observe également que le profil des personnes souffrant de comportements répétitifs centrés sur le corps (CRCC) comme la dermatillomanie ou la trichotillomanie diffèrent de celles présentant des TOC.

Ces données suggèrent que certains traitements médicamenteux agissant sur les capacités d’inhibition pourraient être efficaces dans la prise en charge des comportements liés à la dermatillomanie.

Les chercheurs ajoutent qu’il serait intéressant d’étudier si une intervention de type remédiation cognitive pourrait être adaptée afin de renforcer les capacités d’inhibition. En effet, la remédiation cognitive est une intervention thérapeutique qui a pour objectif de renforcer les fonctions cognitives préservées et d’entraîner les fonctions cognitives déficitaires par le biais d’exercices (stimulation cérébrale). Les fonctions exécutives sont souvent ciblées dans ce type d’intervention. Elles désignent justement les capacités d’inhibition et de flexibilité mentale. Ainsi, des exercices de description de figures visuelles superposées, d’illusions visuelles, de manipulation de chiffres, de lettres et de formes, de génération de chiffres et de coordination manuelle pourraient être bénéfiques dans la rééducation des capacités cognitives altérées dans la dermatillomanie.

Les psychothérapies centrées sur les comportements comme le renversement des habitudes ou la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) semblent également pertinentes face à ce déficit puisqu’elles se concentrent souvent sur l’amélioration des capacités d’inhibition au quotidien.

Grant, J., Leppink, E., Chamberlain, S. (2015) Body focused repetitive behavior Disorders and perceived stress: Clinical and Cognitive Associations, Journal of Obsessive-Compulsive and Related Disorders (5) 82-86.

Odlaug, B., Chamberlain, S., Grant, J. (2010) Motor inhibition and cognitive flexibility in pathologic skin picking. Progress in Neuro-Psychopharmacology & Biological Psychiatry 34. 208–211

Cycle menstruel et dermatillomanie

de Blandine Prieur, Psychologue

Les personnes qui souffrent de la dermatillomanie rapportent souvent que les changements hormonaux influencent la sévérité de leurs comportements de grattage et de triturage. La recherche appuie cette preuve de plusieurs façons.

Tout d’abord, le début du trouble d’excoriation a tendance à se produire durant la puberté. Cela signifie que les premiers comportements de grattage et/ ou de triturage coïncident avec un changement hormonal majeur dans le corps.

En outre, une étude de 1 471 femmes âgées de 10 à 60 a trouvé une relation entre les changements hormonaux et une augmentation des comportements volontaires de dermatillomanie (Flessner et autres, 2009). Les chercheurs définissent deux types de dermatillomanie : automatique et volontaire.

Les comportements automatiques ont lieu en dehors de la conscience tandis que les comportements volontaires ont tendance à répondre à des sensations de stress, d’anxiété ou de détresse.

Pour le corps, les changements hormonaux sont stressants. De nombreux autres problèmes de santé mentale sont impactés par les variations du cycle menstruel. Par conséquent, si les changements hormonaux peuvent aggraver les symptômes d’humeur et d’anxiété, on peut supposer que les comportements de dermatillomanie qui sont souvent liés à l’anxiété vont également empirer.

Par ailleurs, le Dr Fred Penzel propose un modèle de régulation de stimulation des comportements répétitifs centrés sur le corps (CRCC). Les CRCC comprennent la trichotillomanie, l’onychophagie, le mordillement des lèvres et de l’intérieur des joues en plus de la dermatillomanie. Grâce à son travail avec des personnes souffrant de trichotillomanie, il suggère que les CRCC sont un effort pour réguler un état interne de déséquilibre.

Les changements hormonaux sont un état interne de déséquilibre. D’autres fonctions de base du corps telles que la température, la pression artérielle, la fréquence cardiaque, stimulent le corps d’une manière ou d’une autre lorsqu’ils sont déséquilibrés. Par exemple, une augmentation de la température corporelle provoque la transpiration, la pression artérielle diminue provoquer des étourdissements, et une augmentation de la fréquence cardiaque provoque une sensation de panique.

Le Dr Penzel postule que les personnes atteintes de CRCC ont un système nerveux qui a des difficultés à gérer l’équilibre interne ainsi qu’une prédisposition génétique à se tourner vers les CRCC pour le gérer. Lorsque les systèmes internes sont déséquilibrés, il n’est pas toujours perçu par la personne qui en fait l’expérience d’une manière qui le rend facile à classer comme l’anxiété ou la détresse. Le corps perçoit et réagit différemment de l’esprit. 

Ce qui importe vraiment, c’est la façon dont les changements hormonaux influence l’individu, et la conscience de soi est la première étape de cette détermination. Spécifiquement chez les femmes, les comportements de dermatillomanie peuvent être influencés par le cycle menstruel, la grossesse, les changements de médicaments ou d’autres problèmes de santé.

Références :

Penzel, F. (2002). A stimulus regulation model of trichotillomania. In Touch, 3(33), 12–14.

Flessner, C. A., Woods, D. W., Franklin, M. E., Keuthen, N. J., & Piacentini, J. (2009). Cross-sectional study of women with trichotillomania: A preliminary examination of pulling styles, severity, phenomenology, and functional impact. Child Psychiatry & Human Development, 40, 153-167.

Wilhelm, N J Keuthen, T Deckersbach, I M Engelhard, A E Forker, L Baer, R L O’Sullivan, M A Jenike (1999) Self-injurious skin picking: clinical characteristics and comorbidity. Journal of Clinical Psychiatry, 60 (7): 454-9.

Miroir mon beau miroir…

De Mary-Jane Coutant, Thérapeute Dermatillomanie

« Ma dermatillomanie est beaucoup liée à la présence des miroirs » .

Miroirs de poche, miroir de chambre, miroir de salon, miroirs de salle de bains, rétroviseurs, vitrines, miroir de cabines d’essayage, miroirs d’ascenseurs, miroirs des sanitaires au travail, en sortie, chez des amis : autant de risques et de dangers perçus par toute personne atteinte du trouble de la dermatillomanie.

Souvent l’appât du miroir de la maison familiale est plus puissant: miroir du foyer des grands-parents, miroir de la maison parentale. Alors qu’une personne aura cessé de succomber à la tentation de certains miroirs, l’exposition au miroir « originel » de passage ou de retour dans la maison familiale, risque de susciter une crise ponctuelle ou réitérée : chambre d’enfance, salle de bains familiale… : signe évident du temps qui passe, réactivation des premiers mécanismes de soulagement de tensions, …nombre de raisons peuvent expliquer cette régression ponctuelle qu’il s’agit de voir pour comprendre.

« J’évite les miroirs car je sais que je trouverai toujours quelque chose ».

Un miroir peut parfois nous renvoyer une image qui correspond peu ou pas du tout à ce que l’on voudrait et/ou à ce que l’on pense que les autres attendent de nous. La personne atteinte du trouble peut chercher exclusivement à prendre en défaut cette image : chercher l’imperfection à tout prix et non chercher à/ ou accepter de se trouver… Joli(e).  Perfectionnisme, dévalorisation de soi, perte de confiance sont entre autres et en même temps la même force à l’œuvre dans ce processus du soi abîmé qui s’en-voie de flagrants signaux de détresse.

Le miroir : un compagnon, un complice, indispensable, et/ou un outil délétère ?

Par Martine KAGAN-PSZENICA, Psychologue.

Une Réflexion sur le miroir, pour faire écho à ce que les patients disent de lui.

Happés, aspirés, embarqués, par le miroir qui reflète, grossit, indigne, inquiète, rassure parfois…

Serait-il l’objet qui révèle ?

Il renvoie une image éphémère, toujours à reprendre.

Objet de tous les dangers, le miroir se cache, se couvre, se range pour être évité, mais comment l’éviter vraiment, tant il a été investi dans son pouvoir révélateur ?

Pour le Larousse, révéler c’est faire connaître à quelqu’un ou rendre public ce qui était tenu secret, ce qui était caché. « Je vais vous révéler mon secret », pas si simple lorsque l’on souffre de dermatillomanie !

Le miroir est aussi l’objet qui permet la confrontation, la mise face à face, l’action de rapprocher les choses, de les comparer en les opposant, (cf le Larousse) : ma peau et la peau idéale, qui serait lisse et nette s’opposent, c’est même entre elles deux, un duel, une guerre sans merci, un combat de chaque jour.  

La peau: quelques études

par Lënda BOUNOUA, Psychologue

La peau, enveloppe extérieure du corps, est souvent considérée comme une barrière protectrice. Elle est aussi décrite comme un élément indispensable de notre identité, dans le sens où elle raconte nos expériences passées. Mais elle peut aussi être défaillante, handicapante, décevante parfois.

Dans l’article ci-dessous (voir lien), les manifestations et les comportements sur notre peau sont évoqués à travers plusieurs points de vues. Différents phénomènes sont décrits : les soins, les tatouages, l’automutilation, l’acné, les démangeaisons, le grattage ou encore l’expérience sensorielle unique que la peau permet.

Sans être exhaustif, cet article propose un aperçu de recherches d’envergure internationale sur la peau. Qu’il s’agisse d’études du champ de la Psychologie, de la Sociologie, de l’Anthropologie etc. La peau est en effet un objet d’étude important, au même titre que le corps, qui suscite questionnements et débats. Vous pourrez y trouver quelques références susceptibles de vous intéresser.

Référence électronique :

Lafrance M. (traduit par Deschamps G.), (2018). « Études de la peau : Survol de la recherche angloaméricaine contemporaine » [En ligne] La Peaulogie 1, mis en ligne le 01 juillet 2018, Cliquer ici pour lire larticle

Les mécanismes addictifs dans la dermatillomanie

de Blandine Prieur, Psychologue

Les comportements compulsifs ou répétitifs malgré les conséquences négatives, la perte de contrôle concernant le problème, les envies intenses en l’absence de comportement et le plaisir éprouvé pendant les comportements sont autant de caractéristiques communes à l’addiction et à la dermatillomanie.

Plusieurs auteurs ont fait l’hypothèse d’un processus de récompense perturbé qui pourrait sous tendre la dermatillomanie. Dans chaque phénomène addictif, on observe une diminution du plaisir ressenti tandis que le besoin du comportement augmente.

Dans le domaine des addictions, la théorie de la sensibilisation motivationnelle distingue deux mécanismes différents et agissant souvent en même temps mais avec des circuits neuronaux distincts :

  • « Liking » qui se rapporte au plaisir que le comportement addictif procure
  • « Wanting » qui désigne le fait d’avoir besoin de réaliser le comportement addictif

Ainsi, les sensations agréables (soulagement, excitation, satisfaction, …) ressentie au moment des comportements liés à la dermatillamanie, reflètent probablement la dimension de plaisir.

Au contraire, la perception d’événements internes tels que des souvenirs, des émotions, le toucher ou la vue d’une imperfection mais aussi les pulsions et les envies d’une récompense seraient davantage corrélés à la dimension de besoin.

De nombreuses personnes souffrant de dermatillomanie adoptent des rituels ou des habitudes avant, pendant et surtout après les excoriations (= l’ensemble des gestes liés aux comportements de la dermatillomanie tels que toucher, regarder et surtout gratter, triturer, frotter, percer, …).

Par exemple, des comportements comme scruter la peau retirée, la mâcher ou la manger s’ajouteraient à la récompense d’avoir retiré la peau et renforceraient les excoriations elles-même. Une exposition répétée à ces récompenses, en particulier chez les personnes vulnérables (en raison de leurs antécédents génétiques ou d’une exposition au stress), entraîne une sensibilisation durable des circuits neuronaux à l’origine du « manque ». Cette sensibilisation conduit à une hypersensibilité à la récompense et aux signaux associés, entraînant alors une recherche excessive de la récompense, une soif intense en réponse aux signaux qui la concernent et une propension à la rechute après l’abstinence.

En thérapie, l’objectif est donc à la fois d’agir sur les mécanismes de « liking » et de « wanting ». Dans les premiers temps, le fait de parler de la dermatillomanie à un professionnel peut entraîner de la honte, de la culpabilité et des regrets mais aussi une prise de conscience et une certaine élaboration des comportements, ce qui entraînera alors une diminution du plaisir ressenti à s’excorier. Le besoin du comportement quant à lui est indispensable à prendre en compte dans la prévention de la rechute. L’idée ici est d’apprendre de nouvelles techniques pour gérer les envies et activer le circuit de la récompense autrement qu’en s’excoriant.

Snorrason, I., Olafsson, R. P., Houghton, D. C., Woods, D. W., & Lee, H. J. (2015). ‘Wanting’ and ‘liking’ skin picking: A validation of the Skin Picking Reward Scale. Journal of behavioral addictions, 4(4).

Le contrôle

de Valeria Mascellani, Psychologue

La plupart des personnes qui souffrent de Dermatillomanie affirment avoir un très faible contrôle sur leur comportement de grattage. Elles se sentent dépassées et subissent leur impulsions sans pouvoir rien y faire (« C’est plus fort que moi », « Je n’arrive pas à m’arrêter »).  Le postulat central de la Thérapie Comportementale et Cognitive nous dit que même si nous ne pouvons pas contrôler nos pensées, nos émotions ou nos impulsions, nous avons le contrôle absolu de notre comportement. Par conséquent, même si nous avons l’impression d’avoir un très faible contrôle, la manière de répondre à nos impulsions de grattage ne dépend  que de notre choix.  

Les habitudes peuvent être modifiées. Nous pouvons choisir de répondre différemment à l’envie pressante de gratter la peau. Bien sûr, il faut dire que devenir capable de changer son comportement demande beaucoup de travail et d’effort. Cela peut être un défi quotidien et rester difficile par moment, voire entraîner des rechutes. Le parcours du changement n’est jamais une ligne droite qui monte vers le haut, mais plutôt un parcours en boucles avec des hauts et des bas.

Pour devenir capable de changer son comportement, il faut d’abord apprendre à reconnaître les déclencheurs, c’est-à-dire les situations ou les ressentis qui déclenchent l’envie de gratter (il s’agit principalement d’émotions inconfortables comme l’anxiété, l’angoisse, l’ennui, la honte, le dégoût pour soi…) et apprendre à choisir un’ autre réponse, moins destructive.

Au lieu de gratter la peau, nous pouvons choisir de réagir à nos états internes avec des gestes plus sains et positifs comme par exemple la méditation, la relaxation ou des activités alternatives qui occupent les mains. Il n’y a pas une seule et même recette pour tout le monde, chacun est diffèrent et cela peut prendre du temps avant de découvrir ce qui marche bien pour soi.

Rester patient et mettre en place des comportements alternatifs en réponse aux impulsions de grattage, est une compétence très précieuse pour apprendre à gérer plus sainement l’impulsion de gratter sur le long terme.

Conseil de self-help : faire la liste de tous les déclencheurs pour s’entraîner à bien les reconnaître. Ensuite, faire la liste de tous les comportements alternatifs que l’on pourrait faire au lieu de gratter la peau (dessiner, faire la vaisselle, faire un soin, se relaxer…la liste peut être longue et variée et ça peut prendre du temps avant d’identifier ce qui marche bien pour soi, ne vous découragez pas !)