Les mécanismes addictifs dans la dermatillomanie

de Blandine Prieur, Psychologue

Les comportements compulsifs ou répétitifs malgré les conséquences négatives, la perte de contrôle concernant le problème, les envies intenses en l’absence de comportement et le plaisir éprouvé pendant les comportements sont autant de caractéristiques communes à l’addiction et à la dermatillomanie.

Plusieurs auteurs ont fait l’hypothèse d’un processus de récompense perturbé qui pourrait sous tendre la dermatillomanie. Dans chaque phénomène addictif, on observe une diminution du plaisir ressenti tandis que le besoin du comportement augmente.

Dans le domaine des addictions, la théorie de la sensibilisation motivationnelle distingue deux mécanismes différents et agissant souvent en même temps mais avec des circuits neuronaux distincts :

  • « Liking » qui se rapporte au plaisir que le comportement addictif procure
  • « Wanting » qui désigne le fait d’avoir besoin de réaliser le comportement addictif

Ainsi, les sensations agréables (soulagement, excitation, satisfaction, …) ressentie au moment des comportements liés à la dermatillamanie, reflètent probablement la dimension de plaisir.

Au contraire, la perception d’événements internes tels que des souvenirs, des émotions, le toucher ou la vue d’une imperfection mais aussi les pulsions et les envies d’une récompense seraient davantage corrélés à la dimension de besoin.

De nombreuses personnes souffrant de dermatillomanie adoptent des rituels ou des habitudes avant, pendant et surtout après les excoriations (= l’ensemble des gestes liés aux comportements de la dermatillomanie tels que toucher, regarder et surtout gratter, triturer, frotter, percer, …).

Par exemple, des comportements comme scruter la peau retirée, la mâcher ou la manger s’ajouteraient à la récompense d’avoir retiré la peau et renforceraient les excoriations elles-même. Une exposition répétée à ces récompenses, en particulier chez les personnes vulnérables (en raison de leurs antécédents génétiques ou d’une exposition au stress), entraîne une sensibilisation durable des circuits neuronaux à l’origine du « manque ». Cette sensibilisation conduit à une hypersensibilité à la récompense et aux signaux associés, entraînant alors une recherche excessive de la récompense, une soif intense en réponse aux signaux qui la concernent et une propension à la rechute après l’abstinence.

En thérapie, l’objectif est donc à la fois d’agir sur les mécanismes de « liking » et de « wanting ». Dans les premiers temps, le fait de parler de la dermatillomanie à un professionnel peut entraîner de la honte, de la culpabilité et des regrets mais aussi une prise de conscience et une certaine élaboration des comportements, ce qui entraînera alors une diminution du plaisir ressenti à s’excorier. Le besoin du comportement quant à lui est indispensable à prendre en compte dans la prévention de la rechute. L’idée ici est d’apprendre de nouvelles techniques pour gérer les envies et activer le circuit de la récompense autrement qu’en s’excoriant.

Snorrason, I., Olafsson, R. P., Houghton, D. C., Woods, D. W., & Lee, H. J. (2015). ‘Wanting’ and ‘liking’ skin picking: A validation of the Skin Picking Reward Scale. Journal of behavioral addictions, 4(4).

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